Serge Pey est né en 1950 dans une famille ouvrière du quartier de la cité de l’Hers à Toulouse. Enfant de l’immigration et de la guerre civile espagnole, son adolescence libertaire fut traversée par la lutte antifranquiste et les mouvements révolutionnaires qui secouèrent la planète. Militant contre la guerre du Vietnam, il participa activement aux événements de mai et juin 1968.
Parallèlement à son engagement politique, il découvrit très tôt la poésie et les voix de fondation qui transformèrent sa vie. De Lorca à Whitman, de Machado à Rimbaud, de Villon à Baudelaire, de Yannis Rítsos à Elytis, d’Alfred Jarry à Tristan Tzara, des troubadours à Antonin Artaud, des poésies chamaniques à celle des poésies visuelles et dadaïstes… Il commence alors la traversée d’une histoire de la poésie contre la dominance française des écritures de son époque.
C’est au début des années soixante-dix que Serge Pey inaugure son travail de poésie d’action et expérimente, dans toutes ses formes, l’espace oral de la poésie. En 1975 il fonde ÉMEUTE puis en 1981 les éditions TRIBU.
Coopérative d’édition à la distribution nomade, TRIBU a publié sous sa direction des auteurs comme Bernard Manciet, Jean-Luc Parant, Gaston Puel, Rafaël Alberti, Dominique Pham Cong Thien, le Sixième Dalaï Lama, Allen Ginsberg, Ernesto Cardenal, Armand Gatti, Henri Miller… Il fut l’éditeur de Jaroslav Seifert prix Nobel de littérature en 1984. Dans Les funambules de Prague, réalisé avec son ami Karel Bartocek, il donna à lire en France des auteurs comme le philosophe Karel Kosik ou Vaclav Havel.
Le travail de Serge Pey dans la poésie contemporaine se définit comme une articulation entre écriture et oralité. Se déclarant lui-même comme un héritier des poésie du monde il ouvre des passages dans les poésies traditionnelles des peuples sans écriture, la poésie médiévale, les pulsions du zaoum et celles de la poésie sonore. à la suite de Jerome Rothemberg on a pu attribuer une partie de son travail à l’espace de l’ethnopoésie. La façon de médiatiser son poème ou de l’illustrer oralement passe par une rythmique faisant appel à toutes les ressources du corps : battement de pieds, percussions avec ses mains, voix de ventre et de gorges. Il déclare lui-même vouloir « champter » son poème. Dans sa diction vertigineuse proche de l’hallucination, le rythme restitue la colonne vertébrale de son texte. Serge Pey reste le musicien ou le batteur inégalé de son poème. Ses récitals avec Allen Ginsberg illustrent la force de son engagement de diseur.
Puisant les thèmes de son écriture plus particulièrement dans les symboliques d’un « mysticisme athée », ses livres :Bâtons de la différence entre les bruits, Le millier de l’air, La Parole des bâtons, Dieu est un chien dans les arbres ou Poèmes à l’usage des chemins et des bâtons sont des explorations mystiques de la marche de la vie dans l’absolu de sa naissance permanente.
Écrits comme des constructions symboliques ces poèmes témoignent aussi de la force mystique de son écriture fraternelle de Pessoa ou de Reverdy ou encore de la théologie négative d’Angélus Silesius dont il partage les labyrinthes de connaissance. Des traités d’alchimie à la pensée orientale du taoïsme jusqu’aux détours par la philosophie présocratique et gnostique sa poésie couvre des champs immenses de la spiritualité.Le travail mené par le poète autour des poésies premières s’est manifesté particulièrement par la publication et les « performances » réalisées autour du Peyotl. Son livre, Nierika ou les mémoires du cinquième soleil , réalisé à partir de la cosmogonie et des pratiques hallucinogènes des indiens huichols a ouvert un majeur dans les littératures de l’extase, à côté de ceux de Ginsberg, de Charles Duit ou de Burroughs. Son poème, dédié aux indiens huichols, est ainsi un hommage aux langues de la vision.
Le « Nierika », qu’il évoque, est un trou qu’il réalise dans la matière pour voir à travers elle. Ceci reste pour lui une définition de la poésie. Du côté de Lucrèce et de Spinoza sa poésie de déploie dans une spiritualité de la matière.
Appelé le poète des bâtons, Serge Pey rédige ses poèmes sur des bâtons de châtaignier ou de noisetier sur lesquels il rédige, grave, incise et peint ses poèmes, agrémentés de dessins à l’encre. Ils sont des métaphores en acte de la poésie qui est une manière de marcher dans la vie et en même temps un cahier d’écriture vertical avec lequel Serge Pey réalise ses structures plastiques et ses installations.
Une partie de l’œuvre publiée de Serge Pey, en tant queParole des bâtons, est un assemblage de fagots, soulignant par là la matérialité de son œuvre.
Ils participent également d’un mouvement parallèle de la poésie visuelle. En choisissant l’archaïsme pour ses bâtons qui sont accompagnés en général de tomates puisqu’il nomme lui-même ses supports des piquets de tomate.
Serge Pey commença ce travail en prise sur l’actualité en ayant appris tout comme Jean Genet qui le commente aussi à sa manière, la répartition de la population devant l’entrée d’un camp à Beyrouth en séparant la population avec une tomate, et en demandant aux passants de prononcer son nom. Ceux qui avaient un accent auquel on reconnaissait un palestinien était immédiatement arrêté. Cette épisode de la guerre renvoya Serge Pey à la bible et à l’épisode de Schibboleth dans les « Juges ».
Avec ses « poèmes matériels » Serge Pey réalise également des structures d’équilibre et des alignements.
Tomates et bâtons participent à une grammaire visuelle de la poésie et en même temps donnent les clefs d’une métaphore du poème.
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SERGE PEY
Serge Pey nous l’avons découvert il y a longtemps. Fans de Bernard Lubat et sa compagnie, c’est lorsqu’André Minvielle sort son disque « Nous sommes cernés par les cibles », que les mots de Serge Pey nous transpercent. « Mathématique générale de l’infini » devient alors un livre de chevet, « Nous sommes cernés par les cibles » un disque de référence inspirant une partie de nos jingles (« Autonomie, pinard et décibels », Empathique ta mer »).
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