des nazis partout ! Reportage à Lyon
L’un des signes annonciateurs de la fin du monde, c’est aussi que les groupes fachos ultraviolents de sentent de plus en plus à l’aise dans notre beau pays des Lumières, pardon, du néon pété qui grésille dans le bureau de Pascal Praud. Reportage depuis Lyon, d’où le combat culturel nationaliste se propage dans toute la France. Par Philippe Pernot
Le 21 mars 2021 aurait pu être un dimanche tout à fait normal à Lyon. Les rues de la Croix-Rousse, quartier historique très apprécié des touristes, sont calmes. Mais à 14 heures, une foule de 50 à 60 hommes vêtus de noir, portant des casques de moto et des gants molletonnés, fait son apparition. Ils marchent dans les petites ruelles jusqu’à la bibliothèque anarchiste « La Plume Noire », où a lieu une distribution de nourriture. A coups de pierres, ils brisent les vitres et tentent de pénétrer dans le local.
« Nous avons réagi rapidement, avons fermé les volets et réussi à les dissuader d’entrer par effraction à l’aide d’un spray au poivre », se souvient Julien, l’un des gérants du lieu. L’attaque a duré à peine une minute, mais a choqué tout le quartier. Des vidéos de l’agression sont diffusées dans toute la France.
« Les agresseurs étaient clairement identifiables et ne portaient pas de cagoules. Des catholiques d’extrême-droite, des hooligans et des identitaires violents ont pu défiler en pleine journée depuis la vieille ville jusqu’au quartier de la Croix-Rousse, attaquer une bibliothèque de gauche et revenir tranquillement avant de prendre une photo avec une banderole volée », fustige Julien, la colère dans la voix. « Heureusement, seules les vitres ont été détruites, personne n’a été blessé, mais ça aurait pu finir autrement », conclut-il.
Une violence quotidienne
A Lyon, les actes de violence d’extrême-droite font partie du quotidien. Ils se produisent une à deux fois par mois, parfois même plus. De manière générale, le Vieux Lyon est considéré comme une « no-go zone » [un endroit où on ne peut pas aller] pour les personnes –nombreuses- qui ne correspondent pas à la vision du monde de l’extrême-droite. Mais les quartiers de gauche de la Croix Rousse et de la Guillotière sont également de plus en plus souvent le théâtre d’agressions. La plupart des personnes touchées par ces violences sont des personnes perçues comme étant de gauche ou immigrées. Les services de sécurité estiment le nombre d’individus violents d’extrême-droite à Lyon entre 150 et 300 personnes.
« Lyon est leur capitale, leur laboratoire. De là, ils répandent leur guerre physique et culturelle dans toute la France », m’explique au téléphone Alain Chevarin, ancien professeur et chercheur sur l’extrême-droite à Paris. « La ville est catholique et bourgeoise, la Vierge Marie est son symbole, c’est pourquoi elle est devenue le centre des opposants au mariage homosexuel. L’université conservatrice Lyon 3 a favorisé la diffusion d’idées païennes et identitaires, et les maires de centre-droit ont toléré pendant des décennies la violence physique de la droite tant qu’elle ne visait pas la ville et ses symboles », analyse-t-il.
Les royalistes se distancient des agressions. Aucun de ses camarades n’aurait été impliqué dans des actions violentes, me déclare Hugo*, responsable de l’Action Française Lyon. Cela ne correspondrait pas selon lui à l’action des royalistes: « Les personnes violentes sont exclues du groupe ou le quittent d’elles-mêmes », affirme-t-il.
Les identitaires, qui tiennent un bar et une salle de boxe à Lyon, agissent en revanche de manière plus violente, bien que leur groupe le plus connu, Génération Identitaire, ait été dissout en mars. « Ils défendent une identité européenne blanche et quasi-aryenne contre l’islam », explique M. Chevarin. A cela s’ajoutent des groupes qui font le lien avec les néonazis : les nationalistes révolutionnaires, dont les deux groupes les plus connus – Groupe Action Défense et Bastion Social – ont également été dissous, même si l’on peut douter du caractère effectif de ces dissolutions.
« Bien qu’il y ait des différences idéologiques entre eux, depuis un ou deux ans, ils se réunissent pour attaquer physiquement leurs adversaires. C’était moins le cas auparavant. C’est un phénomène effrayant », estime M. Chevarin.
Tous derrière Zemmour
Il n’est donc pas étonnant que les groupes d’extrême-droite soutiennent de concert le candidat nationaliste à la présidence, Eric Zemmour. Le « journaliste » d’extrême-droite a été condamné pour incitation à la discrimination raciale en 2011 et a été jusqu’à présent accusé de racisme et de viols dans 16 procédures pénales. Alain Chevarin estime que si Zemmour peut aujourd’hui se présenter comme candidat, « c’est notamment parce que l’extrême-droite a rendu les idées nationalistes acceptables, comme à Lyon ». « L’atmosphère en France est atroce, le racisme banalisé et les agressions se multiplient », estime Julien. « Nous craignons une explosion de violence en mai 2022, lors de l’élection présidentielle. Qui sait ce qui se passera à ce moment-là ? », soupire-t-il.
« Nous avons montré que nous pouvions nous défendre nous-mêmes. Si le candidat d’extrême-droite Zemmour remporte l’élection, toutes les associations féministes de France devront mener un combat antifasciste offensif », explique raconte Marion, du service d’ordre du Planning Familial. « Des personnes perçues comme des étrangers et des femmes vivent déjà concrètement aujourd’hui à Lyon ce qui se passera dans toute la France si l’extrême-droite arrive au pouvoir », affirment de leur côté Safak et Sacha, membres de la Jeune Garde, un groupe antifasciste fondé en 2018 dans la banlieue lyonnaise de Villeurbanne.
Un état complice ?
Les antifascistes critiquent souvent de l’attitude passive de l’État face à l’extrême-droite. Une altercation entre le groupe antifasciste autonome Gale et des catholiques fondamentalistes de la Civitas, à la mi-décembre à Lyon, a renforcé leurs suspicions : sept membres du groupe antifasciste ont alors été arrêtés et traduits en justice. « Le procureur a organisé un procès politique contre nous », s’indigne Axel, 29 ans, membre du groupe. « La police avait coupé les vidéos de surveillance des caméras de manière à nous faire passer pour des agresseurs. En revanche, les catholiques qui nous avaient provoqués et attaqués n’ont pas été arrêtés ». Au lieu de cela, un policier les aurait même appelés pour organiser le procès.
Le « procès des sept » de décembre 2021 laisse supposer que la police, le procureur et la préfecture entretiennent peut-être des affinités, voire des contacts avec des groupes d’extrême-droite, même si personne ne l’admet officiellement.
Cependant, ni la préfecture de police, ni la mairie, ni la préfecture n’ont répondu à mes demandes d’interview. Il semble que l’on n’aime toujours pas parler ce genre de sujets qui fâchent.
*Le nom a été modifié à la demande de la personne.
Article initialement paru en Allemand dans le Neues Deutschland (Berlin). Traduction libre avec DeepL, relue et révisée par Mačko Dràgàn. Philippe Pernot est un photoreporter actuellement basé au Liban ; pour l’aider à bouffer, donnez-lui du boulot, commandez-lui des piges !
Nazis sans frontière, par Mačko Dràgàn
La taré Poutine qui prend prétexte de « dénazifier » l’Ukraine pour l’envahir, c’est évidemment délirant. D’autant que lui-même fait appel aux bons service de la société paramilitaire Wagner, milice de psychopathes criminels de guerre ultraviolents actifs partout dans le monde, de la Centrafrique au Venezuela en passant par la Lybie et le Mali, et débarqués vers Kyiv avec semble-t-il pour objectif d’assassiner le président Zelensky. Propriété d’Evgueni Prigojine, oligarque Russe proche du Kremlin, le groupe Wagner a pour leader Dmitri Valerievich Outkine (« Wagner », c’est lui), ancien officier des forces spéciales du renseignement militaire russe fervent admirateur du IIIème Reich, et couvert de tout plein de splendides tatouages représentant des écussons nazis.
Mais, contrairement à ce que veulent bien croire de nombreux médias français communiant dans la vision propagando-belliciste des « gentils » contre les « méchants », ce n’est pas parce que Poutine dit qu’il y a plein de nazis en Ukraine qu’il n’y en a pas. Ainsi, comme le rappelle Pierre Rimbert dans le dernier numéro du Monde Diplomatique, dans son article « Ne pas voir, ne rien dire », en Ukraine, après la révolte du Maïdan, le début de la guerre civile au Donbass et l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, a commencé une grande fête du slip national-socialiste, notamment dans le cadre des « lois de décommunisation » promulguées par l’ex-président Petro Porochenko en 2015. En plus de réprimer l’expression d’idées communistes (et d’interdire le PC local d’accéder aux élections), elles « élèvent au rang de « combattants pour l’indépendance » des groupes antisémites ayant collaboré avec les nazis : l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), dont les milices participèrent à l’extermination des Juifs, et sa branche militaire, l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), responsable entre autres du massacre de cent mille Polonais. L’une et l’autre bénéficient désormais d’un hommage national, le 14 octobre. Et chaque 1er janvier, à Kiev, une marche aux flambeaux honore la mémoire de Stepan Bandera, dirigeant de ces deux organisations et collaborateur du IIIe Reich. » Il ajoute : « Ce sympathique tableau serait incomplet sans mentionner l’intégration à l’armée, en mai 2014, du bataillon Azov, une milice néonazie qui emprunte son emblème à la division SS Das Reich. »
Et de conclure : « Issu d’une famille juive, le président Volodymyr Zelensky se tient à distance de cette fureur à laquelle on ne saurait résumer la vie politique ukrainienne. Mais tout de même : le 28 avril dernier, des centaines de personnes défilaient dans la capitale pour célébrer la division SS Galicie, formée de volontaires ukrainiens. Les médias français n’en ont soufflé mot — auraient-ils fait le même choix si le Kremlin avait autorisé un rassemblement néonazi sur la place Rouge ? » La question se pose, effectivement.
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